La Compagnie des Cri Arts

La Mouette

  • L´AUTEUR

Anton Tchervonet par luí-même

“Né à Yatagan en 1860. Y achève ses études au lycée en 1879. Termine en 1884 ses études de médécine à la Faculté de Moscou. Prix Pouchkine en 1888. Voyage à Sakhaline à travers la Sibérie en 1890 et retour par la mer. Voyage en Europe en 1891, boit du bon vin et mange des huîtres. Premiers écrits publiés en 1879 dans la Cigale. Liste de recueils : Recits bariolés, Au crépuscule, Récits, Les gens maussades ; une nouvelle, Le Duel. A également péché en matière dramatique mais avec modération. Traduit dans toutes les langues, sauf les langues étrangères. Il y a très longtemps, en fait, que les Allemands l´ont traduit. Apprécie par les Tchèques et les Serbes ; et même par les Français. A connu les mystères de l´amour à l´âge de treize ans. Célibataire. Désirerait recevoir une pension. Écrivain préféré : Tolstoï. Médécin préferé : Zacharine. Plaisanteries que tout cela. Écrivez ce que vous voulez. Si vous manquez de faits concrets, remplacez-les par des tirades lyriques…” – Anton Tchekhov., “ Je n´ai pas encore de point de vue politique religieux ou philisophique. J´en change tous les mois”“Je ne sors pas de la moyenne, ni dans un sens, ni dans un autre. Ni hauts faits, ni turpitudes,je suis comme tout le monde. J´ai commis des péchés, mais la morale et moi nous sommes quittes, puisque ces péchés je les paie largement par tous les ennuis qu´ils entraînent”

Il meurt en Juillet de 1904. Olga Knipper, sa femme, décrit le soir de sa mort : “ Le docteur arriva et ordonna du champagne. Anton s´assit et avec une sorte de solenité dit à haute voix au docteur en allemand (langue qu´il connassait fort mal) : “Ich sterbe” (je meurs), puis il prit la coupe, se tourna vers moi, et avec son sourire merveilleux, me dit : Il y a longtemps que je n´ai bu de champagne…”, vida paisiblement la coupe, s´allongea doucement et bientôt se tut pour toujours”

  • LA PIÈCE

La Mouette :

Voici comment Tchekhov présente la Mouette : “ C´est une comédie, il y a trois rôles de femmes, six moujiks, quatre actes, un paysage (vue sur un lac), beaucoup de discours sur la litterature, peu d´action et cinq pouds d´amour” ; “Je l´ai commencée forte et je l´ai finie pianissimo” ; “Pourquoi, sur les affiches et dans toutes les publications, ma pièce est-elle qualifiée de drame ? Stanislavski voit réellement autre chose dans ma pièce que ce que j´ai écrit et je peux jurer qu´il ne l´a pas lu une seule fois attentivement”La Mouette est basée sur des faits réels que Tchekhov connaissait bien:Nina a eu pour modèle Lydia Stakhievna Mizinova, qu´ils appelaient Lika. Elle enseignait la langue russe dans les classes primaires, et elle essaya de faire du théâtre et du chant sans beaucoup de succès. Elle aima Anton Pavlovitch qui l´aima aussi ; elle prit ensuite pour amant l´écrivain Potapenko (Trigorine). Elle eut un enfant avec Potapenko, homme faible et marié avec une femme terrible. Abandonée par Potapenko, alors qu´elle était enceinte, elle ne lui en voudra même pas. Lorsque sa grossesse approche de son terme, elle quitte Paris. Elle est mal en point, crache du sang. À la fin de l´année 1982 Lika semble tout à fait déséspérée “Je brûle la chandelle par les deux bouts. Je perds pied. De toute ma vie, je n´ai jamais eu si peu de success. Mon plus grand désir est de me guérir de cet état sans éspoir, mais il m´est très difficile d´y arriver seule”Arkadina a eu pour modèle Maria Andreievna, la volcanique femme de son ami Potapenko (Trigorine) ; Il la définit comme une Messaline ou une nouvelle Catherine II et il dit être terrifié par elle.Trigorine, donc, est un mélange entre Potapenko et Tchekhov même. C´est intéréssant, je pense, de savoir que le nom “Treplev” veut dire “celui qui frémit comme une feuille” ; de même , “Zaretchnaïa” (le prénom de Nina) c´est “celle qui vit au-delà de la rivière”

  • Pourquoi la mouette

Ce qui me touche énormement chez Tchékhov, c´est le côté tragico-comique qui se dégage de toutes ses pièces. On ne peut pas lire la Mouette sans rire et avoir en même temps les larmes aux yeux. On rigole des modes, des manies et de la façon d´être de ses personnages (l´excentricité d´Arkadina, les blagues déplacées de Chamraïev, le pauvre Medvédenko qui ennuie tout le monde, les commentaires ironiques de Dorn et Arkadina…) ; mais au fond, derrière cette façade comique, on retrouve des êtres qui se débattent dans l´angoisse et on cesse de rire. Ses personnages sont des héros malheureux, qui poursuivent en vain le bonheur, l´amour partagé et ne connaissent que les espoirs déçus, les humiliations,…(Macha et son amour pour Treplev, Nina, son rêve du théâtre et l´amour de Trigorine, Treplev et son amour pour Nina, Paulina et son amour pour Dorn, Medevenko et son amour pour Macha, Sorine qui se décrit lui-même comme “l´homme qui a voulu mais qui n´a rien”…) Des vies et des espoirs râtés. Ils nagent donc, dans la solitude et le déséspoir ; ils étouffent lentement. Et là dedans, dans l´absurdité et le surréalisme de ces vies, on trouve le grottesque, le comique, le drôle. C´est un rire baigné de larmes. Comme dit Serguéienko dans “Le télégraphe de Novorossik” : “C´est drôle et cela serre le coeur”

Après avoir abordé l´univers de Pedro Almodóvar dans mon adaptation “Mujeres Almodóvar” l´année dernière, cela peut sembler déplacé, mais ce côté trágico-comique de Tchékhov me fait beaucoup penser à ce dernier(peut-être c´est mon côté espagnol.. !). Je pense qu´on retrouve chez Almodóvar cette même facilité de faire passer des larmes aux rires ; il est capable de nous toucher, nous bouleverser et en même temps nous faire rire à travers ses personnages, parfois exagérés mais toujours sincères ; des personnages qui ont toujours une grande force intérieure qui les aide à surmonter les situations extrêmes et parfois surréalistes.Les personnages de Tchekhov parlent tous de l´avenir mais sans y croire, après avoir pleuré sur le passé (Nina à la fin, Macha en se mariant avec Medvedenko, Paulina et ses espoirs pour l´amour entre Macha et Treplev,…) Lorsque ses personnages sont détruits, ils disent toujours une ultime parole d´espoir, et c´est une façon encore plus cruelle de nous faire toucher l´evidence du malheur.Ce sont des personnages attrapés et etouffés par sa propre vie qui se débattent malgré tout comme une mouche attrapée dans 1 verre.Ça pourrait être tellement plus simple : Si Nina avait aimé Treplev, Macha Medvenko, Dorn Paulina, tout aurait été simple et beau. Mais tous sont éblouis par 1 ideal, 1 image du bonheur. En fait, ils se détruisent eux mêmes.

Medvenko aime Macha (Macha méprise Medvenko, adore Treplev)Macha aime Treplev (Treplev méprise Macha et adore Nina)Treplev aime Nina (Nina méprise Treplev et adore Trigorine)Nina aime Trigorine (Trigorine méprise Nina et adore Arkadina)Trigorine va avec Arkadina

Chamraiev aime Paulina (Paulina méprise Chamraiev et adore Dorn)Paulina aime Dorn Dorn préfère Arkadina

Le seul personnage qui a tout, ARKADINA, est en réalité très seule.

mais…est ce que c´est vrai ? La solution au malheur de Macha c´est Treplev ??? Et à celui de Treplev c´est Nina ??? Et a celui de Paulina c´est Dorn ?Et à celui de Nina c´est la gloire, ou Trigorine ?Peut être oui…je sais pas…on ne saura jamais…

Ce qui m´intéresse donc d´aborder dans “La Mouette” c´est :

  • LE TRAGICO-COMIQUE ( qu´on retrouve chez Almodóvar)
  • Le côté absurde de la vie (drôle et tragique à la fois)
  • LA SOLITUDE de chacun : on est tous seuls ( les angoisses, déséspoir,…)
  • Comment ?

La scène : Espace vide. Une boîte noire.Les seuls éléments scéniques sont en noir et metal : escabeau, piano, estrade et charriot.

Jouer avec 2 niveaux : l’ estrade sera utilisée de differentes manières : dans l’ Acte I c’ est le “théâtre” de Treplev, dans les actes suivants elle réprésente DES espaces de vies ( la scène du LOTO,...)Dans cette boîte noire, les comédiens sont parceminés tout le long de la pièce dans leur propre espace et dans leur solitude (souligné par des ampoules suspendues au dessus de chacun)Treplev sur l’ escabeau, Nina et Trigorine au piano, Macha et Medvedenko toujours dans leurs chaises en fond scène,...Ces solitudes vont se rencontrer et se cacher derrière une ivresse de groupe, qui suscite chez le spectacteur un rire baigné de larmes. Donc les personnages sont en vie constament, le public est témoin et conscient de l’ évolution de chacun tout le long de la pièce.des rencontres râtées, des arrivées génantes,…tout ce qui chez Tchekhov fait que les personnes se loupent et se voient sans vraiment pouvoir se parler

  • La musique

Dans les nouvelles et pièces de Tchekhov on entend toujours une mélodie au lointain..” La musique, mieux que l´écriture, est capable de traduire la tristesse”. La musique est en direct : piano. De plus, Iakov a toujours son propre instrument, ukulélé.La seule musique utilisée, Soledad de Chavela Vargas, souligne la fin de la pièce.

  • Travail sur la vidéo

Projection de : “All about Eve” de Joseph L. Mankiewicz avec Bette Davis et AnneBaxter, en vieux film, divisé en 2 Projections très courtes (moins de 2min par projection),au début et à la fin de la pièce. Film choisi pour traiter le rapport Arkadina/Nina et le triangle Arkadina/Nina/Trigorine.

  • Travail sur le choeur

Pour renforcer cette solitude, les moments de groupe se font sous la forme de choeur, mouvements de foule stylisés... (tous très serrés, comme les touristes dans “Mujeres Almodóvar” ou dans“Funerailles d´hiver” au Rond Point). Acte I : entrée du premier choeur pour voir la pièce de Treplev : Arkadina, Trigorine, Macha, Sorine, Dorn, Paulina, Medvédenko, Chamraiev. . Acte II : commencement acte II, entrée d´Arkadina, entourée du deuxième choeur : Macha, Dorn, Medvédenko, Chamraiev, Paulina + arrive de Nina et Sorine plus tard.. Acte III,pour le départ d´ Arkadina. LE CHOEUR : Paulina, Iakov, Sorine, Macha, Chamraiev , Medvédenko et Dorn... Acte IV : pendant qu´ils jouent au bingo !Le CHOEUR : Trigorine, Arkadina, Medvédenko, Macha, Paulina, Sorine, Chamraîev et DornRéférences : “Funérailles d´hiver” au Rond-Point, “Mujeres Almodóvar”, travail de Maxime Franzetti

| | Plan du site |